Why is the moon grey ?

Humans of my planet
Remember the day
When our home's blue palette
Revealed its beauté
On a magical photo
Taken from Apollo

Mars is just more red
And Venus is bright yellow
Jupiter's tornadoes
Are surely artist-made

But...why is the moon grey?

The humans of Apollo
Jumping on the lune
Have tiny little drapeaux
On their white costumes

Every accessoire
Brought there by the mission
Betrays some couleurs
Of where they come from

And look: the moon is grey!

Where did Farben go?
Echappés à l'homme...
Washed away by l'eau?
Or maybe by the sun?

They say it's made of metal
And when the light l'éclaire
The grey we see is normal
It's always just been there.

But deep down we all know
Our chère Mond is so old
It was born with the light
When the world was black and white.

— Eleonore Sur
Mission Apollo 15

Les deux acolytes



La journée ensoleillée s'étiolait langoureusement. Le soir commençait à poindre son nez, quand Victor se décida enfin. Ayant paressé l'après-midi, sa sieste touchait à sa fin. Il mit toute son énergie à se mouvoir pour traverser le jardin, contournant la clôture, et se déplaçant en zigzag. Il y a vraiment beaucoup d'obstacles ici : piquets, pots de fleurs, une table, des chaises, bref tout un capharnaüm. Il progressait lentement comme un hérisson bien portant qu'il était. A un âge avancé, on se traîne un peu mais « qui va doucement va sûrement » se dit-il.
Soudain, au loin, dans le kiosque planté au cœur de la verdure, il entendit des voix. Que se passait-il là-bas ? Curieux, il s'arma de courage, pour rejoindre l'esplanade d'où fusaient des éclats de rire...


Il était presque parvenu à son but, quand soudain, il freina des quatre fers :
devant lui se dressait un animal avec un corps gris, une grande queue, qui se faufilait partout... un face à face silencieux s'instaura. Qui des deux allait attaquer ? Pschitt ! Pschitt ! Tenta Victor pensant effrayer Missy la petite souris. Rien n'y fit ! Attention, je fonce, je pique lui cria-t-il. Pensez donc, il en fallait bien plus pour la terroriser. Elle se campa devant lui et l'interpella : mon pauvre ami, tu es bien trop lent, tu ne risques pas de m'attraper. Moi, je file à toute vitesse, alors inutile de vouloir faire un concours de rapidité, tu es certain de perdre la course. Médusé du culot de la souris, Victor lui asséna : peut-être es-tu la rapide du Texas, mais bon moi j'ai d'autres atouts dissuasifs, et personne ne me cherche de noises. Ici, je suis l'ange gardien des jardins, et d'habitude, je chasse les importuns comme toi...

Miss souris fut un peu vexée par son aplomb, mais ne se démonta pas. Dis donc l'ami, ne te crois pas supérieur à moi. Regarde-toi. Tu ne vois pas que nous avons surtout un point commun ? Pourtant tu vois bien clair la nuit, mais là tu devrais chausser tes lunettes. Victor pouffa de rire. Tu parles, dit-il, j'avais compris tout de suite que nous étions faits du même bois, issus des mêmes essences.

La petite souris pointa son doigt en direction du kiosque : tiens, regarde toutes ces joyeuses têtes assises autour de la table. Que crois-tu qu'elles fassent ? Victor, muet, attendait la réponse. Eh bien, avec patience et application, elles nous plient, nous replient, nous déplient et nous collent des yeux, des oreilles... enfin, tu vois nous sommes bien vivants, grâce à toutes ces dames ! Remercions-les, car sinon nous n'aurions pu faire connaissance ! Oui rétorqua Victor, mais moi j'ai un sacré privilège lui répondit le hérisson : j'ai été conçu à deux mains, par un duo d'enfer ! Ah oui et lequel ? lui demanda la souris : eh bien, je suis l’œuvre de Jacqueline et Sylvie, se gaussa avec fierté Victor. Et c'est sur cette note finale, que cahin-caha, chacun reprit sa route et s'en alla vers d'autres horizons...

— Sylvie Brugeal

Parenthèse ludique dédiée à « Amis des Mots »

Te quiero


Te quiero, Je t'aime
I love you, Ti amo, Ich liebe dich
Ich hob dir lib, Ik houd van jou, Ia tibia lioubliou
Nhebbik, Gvgeyui, Mwen enmen'w, Hamlagh-kem, Munakuyki, Nakupenda, Ngiyakuthanda
Da garout a ran, Anata ga daisuki desu, Rydw i'n dy garu di, E aroha ana ahau ki a koe
S'agapo, Te amo, Löbob oli, Mi amas vin

— Paul Sanson


Messier

Click to observe Omega, Swan, Horseshoe, or Lobster Nebula

Hundred and ten, vous are
All nicely hiding
Dancing tussen the stars
Spinning and smiling
The first of them all:
Supernova remnant
The thirteenth recalls
Hercules qui chante
The famous of course
In Orion in winter
The horseshoe disperse
Majestueux, a river!
M1 or M13, M20 or more
You're all my trésors.

— Eleonore Sur


About Messier objects

Qui es-tu

Qui es-tu ?
demande Manu.
Moi ?
Je suis Sarah !

Pas si fort,
tout le monde dort !

Ah...

Il faut chuchoter,
tu peux pas bouger...
C'est pas si bien,
la vie de mannequin !

N'exagère pas !
C'est pas si mal que ça !

— Ella

À la surface du lac


Le soleil en éclipse
Fond sur l'horizon
Une âme glisse
À la surface du lac
Le silence chuchote.

— Sylvie Brugeal



Statues de pierres


Statues de pierres
Les ombres se taisent
Figées dans la déclinaison du soir.
Seul le soleil éclate
En une étoile dorée
Fendant la meurtrière.

— Sylvie Brugeal

Le distributeur de compliments

Cliquer pour obtenir un compliment

Il y a des jours où tout va mal.
Premièrement  je me suis levé du pied gauche, un vendredi 13, ce n’est pas bon signe. Ma copine Lucie qui est extra lucide prétend que les mauvais augures sont auto-réalisateurs ; contrairement aux bons augures. Ça n’a pas manqué ! Une bouse de chien et même pas du pied gauche, l’ascenseur hors service, les résultats trimestriels en berne… la réunion qui n’en finit plus.
Denfert-Rochereau à 7h du soir c’est l’enfer sous terre, crevé, le moral dans les chaussettes, au bout du quai, prêt à sauter « tu ne vaux même pas les frais causés à la RATP si tu plonges » toutefois une pensée positive me requinque : je songe aux milliers de banlieusards harassés qui prendraient 2h de retard à cause de mon « incident voyageur ». Comme dit mon pote Michel, « le sentiment de vide n’est pas suffisant pour se jeter dans le vide ».
Il me faut absolument immédiatement un remontant. Le distributeur Selectivica, c’est la machine à joie : des boissons  gonflées à 2.5Kg, des denrées boostés au lactosérum, à la créatine, à la BA, des cafés exotiques à 92°C etc. Tout ça c’est fait pour le corps, or c’est mon âme qui fatigue. Heureusement cet automate enchanteur distribue aussi des compliments : 1€ le compliment élémentaire ; 2€ le compliment premium.
Evidemment il ne reste qu’une pièce d’1€. Allons-y pour un compliment élémentaire. J’appuie sur C13 (aie ! c’est 13), le carton tant désiré où sont gravées les délicieuses phrases qui font tant de bien aux egos dégondés, n’est pas tombé. Coup de pied (gauche) dans la zone réservée à cet effet, Plong ! Ah, enfin ! Voilà que je récupère une barre de complément alimentaire aux Oméga 3, acidulée et dégueulasse. Explication : j’ai tapé C12 au lieu de C13, damned !
Il y a des jours où tout va mal.

Paul Sanson


When swimming among the stars

E. Valencia

When swimming among the stars
   At night
My mind proudly esquisse the signs
   And letters
Of our reassuring abstract constructions
   De mémoire
Armature de papier pour paver l'inconnu

When listening deeper to the chant
   Of the night
My Self gets affraid and s'enfuit
   At last
And the space sends the craziest answers
   Je rêve

My vertige retentit and confirme that in fact
   We are
Inconscients bursts of light in the magistral whole
   Sin saber
And me tiro mil veces dans l'espace inifini
   Pour flotter
Et revivre the merge with the pure mystery
   Follow me

— Eleonore Sur

Le Petit ruisseau


Nous marchons sur un chemin dans un petit vallon. Le lieu est totalement tranquille. Nul véhicule ne peut accéder. Les oiseaux ne chantent pas, nous sommes en hiver. Seul un pic vert essaie d'obtenir son repas en tambourinant sur un vieux tronc.
Pourtant, nous sommes accompagnés tout au long de notre promenade par un chant joyeux, plein d'énergie, celui du petit ruisseau qui serpente au fond du val. Il nous rend joyeux et nous avons envie de rester là, loin des incohérences attristantes du monde actuel.
Nous avons envie de rester là, dans ce paysage resté intact, beau, éternel, bienfaisant.

— Liliane Faucher


La bûche ma compagne


Ce soir, je suis seule, pas vraiment, le feu de bois est là, si vivant.
Il m'enveloppe de sa chaleur et je me sens bien.
Je l'observe, les petites flammes courent sur la bûche.
Il me transmet un peu de bonheur, celui de se sentir bien même si on est seule.

— Liliane Faucher

Autodafé à La Châtaigne


La fête de La Châtaigne bat son plein dans le soleil doré d’une belle après-midi d’automne et les fanfaronnades farcies aux canards. On déguste le boudin aux pommes et le boudin à la châtaigne, le tout arrosé du cidre frais qui dégouline du grand broyeur de pommes trônant sur la place.
L’exode rural a drainé la jeunesse du petit village de La Châtaigne (123 habitants) mais la mairie est revigorée par l’installation récente de « jeunes » ; des retraités cultureux de banlieue, nostalgiques de la ruralité, ouvertement en rupture avec les technologies prédatrices du moi intérieur… Elle a décidé de constituer la Commission Paritaire Participative Événementielle qui a proposé d’instituer une cérémonie intitulée « Autodafé à La Châtaigne ». Le terme « autodafé » a provoqué des débats longs, parfois aigres, en raison de ses connotations. La commission est arrivée à un consensus aux termes duquel a) aucun texte ne serait brûlé ; b) le broyeur de pommes serait l’instrument du supplice.
En fin d’après-midi, les villageois sont invités à se rapprocher du grand broyeur de pommes et chacun y jette un objet symbolique de la vie dévoyée à la ville : une tablette chinoise ; un smartphone coréen, des lunettes 3D, un pass navigo… Pendant les activités scolaires, les enfants ont peint sur des ballons d’hélium des personnages de dessins animés et de jeux vidéo aux couleurs criardes : Spiderman, Pokémons, Homer Simpson… La fanfare joue de la musique branchée : Electro, Hip-hop, Rap, Dub, Grind… En raison du terme a), les partitions ne sont pas jetées dans le broyeur mais un enregistrement live vivant est effectué sur une clé USB qui est écrabouillée.
Ce n’est pas du jus de pomme qui dégouline dans le baquet de bois ; c’est de la grenaille électronique. Quand il sera rempli, il s’envolera emporté par les ballons jusqu’aux cieux, aux cris de « Vive la pomme ! Vive le boudin ! Vie à La Châtaigne ! ».

— Paul Sanson
La fin du village, J-P Le Goff

Bon sang ne saurait mentir

Cliquer pour compter les doigts

La victime était assise, adossée au pied de la statue, tuée net d’une balle en plein cœur, par le petit luger échappé de sa main. Un suicide selon toutes apparences ; alors pourquoi le jeune baron de la Rochemolle avait-il un doigt de pierre enfoncé dans la bouche ?
– Je ne crois pas au hasard, dit Lucas qui croît au hasard, mais c’est facile à expliquer : la balle a traversé le baron et a heurté l’index droit de la statue qui s’est cassé puis est tombé pile dans sa bouche ouverte.
– Une chance sur mille milliards ! répliqua Janvier qui a les pieds sur terre. Hubert, le majordome, m’a dit que la statue est celle de la baronne Héloïse de la Rochemolle, noblesse d’empire, troisième du nom. Elle fut célèbre, d’abord pour sa beauté callipyge, mais aussi pour une particularité physique rare : elle a six doigts à la main gauche et six doigts au pied droit ; c’est vrai, vous pouvez compter. Hubert m’a affirmé « cette tare se transmet par les mâles vers les femelles : toute fille née d'un baron de la Rochemolle a un gros cul, six doigts à la main gauche et six doigts au pied droit ».
– Je ne crois pas aux coïncidences, dit Lucas qui croît aux coïncidences, mais Céleste, la vieille gouvernante qui a connu trois générations de Rochemolle, m’a dit que Diane, la sœur du baron, vient d’accoucher d’une fille. Elle s'appelle Esperanza car il parait que le vieux marquis Don Diego Marquez de Luna qu’ils ont marié à Diane pour pouvoir retaper le manoir « n’y arrivait plus ». Céleste a ajouté que Don Diego avait le visage noir de colère en sortant de la chambre de naissance car la petite a six doigts.
– C’est impossible ! M’écriais-je, car bon sang ne saurait mentir. Si Hubert dit vrai, il y a une erreur, ou bien… Seigneur quel scandale ! Convoquez immédiatement une réunion de famille dans le grand salon. Mon sixième sens me dit que ce sixième doigt est la clé du mystère.

Paul Sanson

L'avant


Une aurore écarlate,
sur l’obsession
de tes baisers clandestins,
attise l’impertinence
de mon désir.

L’absurde pendule
se joue de mes chimères
et s’évertue à étirer l’avant
en interminable sursis.

Des symphonies :
pastorales, pathétiques, héroïques
balisent ton approche
jusqu’à la fébrilité
de mes frontières de dentelle.

 Liliane Fauriac

Ô nostalgie des lieux

Ô nostalgie des lieux ...
Revenir sur mes pas, refaire doucement
- et cette fois, seul - tel voyage,
rester à la fontaine davantage,
toucher cet arbre, caresser ce banc...

Monter à la chapelle solitaire
que tout le monde dit sans intérêt ;
pousser la grille de ce cimetière,
se taire avec lui qui tant se tait.

Car n'est-ce pas le temps où il importe
de prendre un contact subtil et pieux ?
Tel était fort, c'est que la terre est forte ;
et tel se plaint : c'est qu'on la connaît peu.

— Rainer Maria Rilke, Vergers

Rose


Elle, l’amie du Petit Prince
Empile les pages rouge sang
Où elle a écrit son roman
Autour de son corset si mince.

Que n’écrit-on à l’eau de rose
En se griffant à ses épines ?
Jardiniers et poètes peaufinent
Espérant la métamorphose.

D’aucuns la disent capricieuse,
Dédaignent son parfum, sa beauté.
D’autres louent sa féminité
Reine des fleurs délicieuse !

Rose cueillie, rose ouverte
Rose sauvage, rose fanée,
Rose en bouton ou surannée
Mieux qu’un présent : rose offerte.

Au fil des jours et sous le vent
Comme nos corps, elle s’incline.
Comme une femme, elle fascine,
Conjugue « aimer » à tous les temps.

— Liliane Fauriac

Green roadmap*

Il faut célébrer la nature chaque année car si la musique a sa fête, la nature aussi. La fête de la nature, célébration festive, sérieuse, exigeante, authentique, doit faire progresser les participants (enfants, jeunes, seniors) sur le chemin de la connaissance de la biodiversité ; elle doit favoriser une évolution des comportements individuels responsables en faveur de la protection de la biodiversité.
Fête de l’agriculture biologique ; fête du bio ; fête des énergies renouvelables ; fête des paysages et de la nature en ville ; fête du jardin et du développement durable ; fête de la mobilité durable ; fête du vélo. Espace événementiel de découverte de la nature naturelle ; promenade ornithologique et naturaliste ; balade ludique et botanique ; balade lecture du paysage ; balade singulière alternant lectures poétiques et explications naturalistes. Journée mondiale des zones humides ; des forêts ; de l’eau ; de l’océan ; de la mer ; de la terre nourricière ; de la  biodiversité ; des espèces menacées ; de la lutte contre la désertification et la sécheresse.
Atelier créatif de sensibilisation aux pratiques bioénergétiques ; aux plantes médicinales ; aux médecines douces. Journée d’animation ludique et familiale ; kit numérique de signalétique spéciale pique-nique ; productions musicales inspirées de la nature ; conférence consacrée à l’art à la plage. Atelier d’échange participatif aux jeux éducatifs sur l’économie d’énergie ; les énergies renouvelables ; la biodiversité ; l’écoconstruction ; l’agriculture bio ; le compostage ; les toilettes sèches.

— Paul Sanson

Bribes de Malaise dans la démocratie p. 143, J. P. Le Goff.
* La feuille de route écologique.

Remake de la piscine

cliquer pour voir les pigeons
Une semaine que je planque depuis la tour du château qui domine le petit bled périgourdin de Bourdeilles. Perché, avec mes copains les pigeons je zieute le couple de retraités au bord de la piscine de la très discrète « hostellerie ». C’est pas vraiment une piscine, pas vraiment des retraités et je ne suis pas vraiment un paparazzi, au moins sur ce coup. Cette fois, mes photos ne finiront pas dans Voilà, Marie Patch ou Gaga ; c’est une commande juteuse pour Armand de Laène, le puissant vice sous-secrétaire de l’AAAA (Association des Amateurs d’Amour Absolu). Quant aux « clients » qui ont réservé sous le (faux) nom de Mr. et Mme Delong pour 3 jours 2 nuits, ce sont d’anciennes gloires du cinéma. Ils ne font plus le buzz mais ils aiment encore les rendez-vous secrets, ah les beaux jours !
Ils se sont connus en 69 alors qu’ils débutaient sur la « piscine » (3 jours 2 nuits de tournage), où de Laène était second assistant régisseur. Ce fut une passion simple, bizarrement platonique et muette. Contenue derrière les lunettes noires, elle a pourtant irradié les acteurs, ionisé l’eau de la piscine, brûlé la pellicule. Le jeune Armand, déjà détecteur amateur d’atomes crochus, rêvait en coulisses de romance par procuration. Mais voilà, il n’est rien arrivé. Ils sont retournés à leurs foyers, à leurs contrats et ont peu à peu drifté dans la rat race. Le hasard ne les réunit qu’une fois, brièvement, quand elle fut chargée de lui remettre le César pour « l’ensemble de son œuvre » ; c’était il y a un mois.
De Laène m’a prévenu « t’as intérêt à sous-exposer, ils vont cramer ta péloche ! ». Il a bien raison, leur bonheur illumine leur petit théâtre, paradis coloré perdu dans la grisaille. Chance ! A leur insu il y a trois spectateurs, un voyeur et deux pigeons, pour deux acteurs. Ils sont donc autorisés à jouer le dernier acte de la pièce de leur vie. Pas besoin de costumes ni de lunettes noires pour une passion simple devenue bonheur simple, 3 jours 2 nuits de bonheur simple.

Paul Sanson

La piscine

Le thé berbère


Thé de la bienvenue,
Thé de l’amitié,
Thé parfumé de menthe
D’armoise ou de lavande
Répands l’arôme de la paix.

Brûlant et parfumé,
Sucré comme la vie,
Le premier se fait doux.

Excitant, passionné,
Puissant comme l’amour,
Le deuxième est plus fort.

Tiède puis bientôt froid,
Amer comme la mort,
Le troisième se dissout
À la fin du voyage.

— Liliane Fauriac

Divagation dans le reg


Dans son château minéral,
Échappée par les toits des cheminées de fée,
L’âme de la princesse captive veille.
Au creux de ses rides sculptées par le vent
Elle ensorcelle le voyageur audacieux.
Sur l’aile des vautours,
Elle plane au-delà des vagues fauves
Qui bourgeonnent de mille fleurs d’argile
Fixées sur les contours de dunes immobiles.
Elle hante le désert livré au promeneur
Captif de ses méandres.
Des voiles de nuages la caressent en passant
Et exaltent le bleu qui l’habille au soleil.
Nul ne saura jamais le bruit de l’océan
Au fond duquel elle a éclos.
Nul ne saura jamais
La violence des flots qui ont moulé ses courbes
Et modelé ses creux.
Tous mes sens envoûtés
Par ses parfums subtils
Vibrent encore au frisson
De sa beauté intense.

— Liliane Fauriac

Mosaïque oxymorique


Obscure clarté qui tombe des étoiles
Soleil noir de la mélancolie
Silence assourdissant
Enfer polaire, été hivernal
Enfermé dehors, c'est très moyen
Mon plus beau cauchemar

La barbarie à visage humain
Je ne suis ni pour ni contre bien au contraire
La liberté c'est l'esclavage
La gauche caviar
Les guerres civiles, saintes, propres
Ce sont d'effroyables jardins

Pauvre petite fille riche
Du sucré-salé, douce-amère
J'ai un énorme faible
Femme enfant, affreusement belle
Une bonne fessée ! Doux supplice

Elle se hâte avec lenteur, à l'aube de la nuit
C'est un jeune vieillard, un mort-vivant
Elle est proprement dégueulasse
C'est un petit miracle, un vrai mythe
La bête humaine

Yin & Yang, same difference...

— Paul Sanson

 Trancadis du parc Güell

Mon trésor

Cliquer pour trouver la geisha
Il n'y a pas de chiens de faïence dans mon bazar étalé sur la table, mon trésor. Les chiens c’est nous, deux vieux chiens qui se regardent, depuis un bon moment déjà. Toi, tu n’as pas l’air de savoir quoi faire de toi. Moi, je saurais bien… Je peux encore servir ! Même si tu as l'air de me prendre pour une des vieilleries étalées sur la table.
Il y a mille brocantes que, sous le soleil ou la pluie, je m’ennuie sur ma chaise et je rêve à l’amour, à la belle vie. Alors je joue au loto, je mets le ticket dans mon corsage, je me fais mon petit cinéma et la vie va…
Forcément ça devait arriver. J’ai gagné. Beaucoup. Au diable les brocantes, les chalands nonchalants ! Bradé mon trésor étalé sur la table ! Adieu aux vieux beaux bizarres, aux amours imaginaires ! Oubliés mes rêves ! Bonjour les voyages, les croisières, les villes d’eaux ; autant dire la fatigue, la nausée, la solitude, le vide…
Alors j’ai acheté un diamant, le plus gros possible, et je l’ai caché dans mon trésor étalé sur la table. Où ? Peut-être devineras-tu, toi mon Trésor, que c’est dans la Geisha et que la Geisha c’est moi.

— Paul Sanson


J’ai retrouvé les étoiles


J’habitais un lieu où les étoiles n’avaient plus le droit de briller, un lieu où seules les lumières de la ville avaient le droit de briller. C’était un lieu plein de lumière, de bruit, de mouvements, de gens. Il n’y avait pas de magie, juste de l’énergie dépensée dans le but de créer encore plus d’énergie, de la richesse, disent les économistes. C’était un lieu où les gens ne se regardaient plus, ils n’avaient donc pas besoin d’étoiles.
J’ai quitté ce lieu et j’ai retrouvé les étoiles, je suis contente de les voir, simplement, sans en savoir plus. Je suis contente parce que c’est magnifique, tout simplement.

— Liliane Faucher

Les Pléiades vues par le cnes

Un moment de flottement


Dans ma tête Dave Brubeck déversait à tout casser le Blue Rondo à la Turk, aussi vite que moi dévalant comme un fou les marches du métro, montant quatre à quatre les escalators, bon Dieu d'bon Dieu encore, encore et me voici à trois pas d'une sortie sur la ligne quelle ligne je ne le savais plus. Soudain la sonnerie du téléphone. Allo ! C'est Suzy ça fait deux fois que j'appelle, si t’es en retard les Chinois vont annuler ! Je restai sans voix, j'étais foutu. Il faut que tu files, me dit-elle. J'ai couru comme dans un rêve le long des passages encombrés. Haletant, ma mallette à la main, je vacillais… ce pognon, je ne l'aurai pas volé. Pas de panique, j'ai reconnu le tapis roulant de la Gare Montparnasse.
J'y suis entré...
Le tapis était plein comme un œuf. Je flottais... je brûlais de fièvre. A côté, deux ou trois jazzmen faisaient le bœuf. Je voyais le long des murs illuminés de porcelaine défiler des palaces, le soleil, le ciel bleu... Dans ma main Suzy était là, elle me souriait et de nouveau le soleil a brillé. Dans un souffle elle m'a dit  Vient j'ai la voiture tout près d'ici. Les murs, les gens tournaient puis quelqu'un m'a saisi par le bras. Avec la mallette je l'ai frappé alors le coup de poing a claqué !
Me clouant sur place.
Oh Suzy, t'en fait pas Je te suis on y va les palaces, le soleil le ciel bleu toute la vie toute la vie...
— Paul Sanson
Marmelade sur A bout de souffle de Claude Nougaro.

Foudre noire


Je suis le géant
Je me morfonds dans le noir et le néant.
L’univers et son mystère tiennent dans mon gant,
Je chausse des milliards d’années-lumière,
Pourtant l'univers, caillou d'obsidienne inscrutable,
Me tourmente au fond de la chaussure.

Je dis « chaussure », je dis boîte à chaussures !
J'y ai percé un trou noir, lourd comme mille galaxies,
Mais dedans, n’est entré que le noir et le néant.
J’ai percé un trou large comme ma bouche de volcan,
Mais dedans, nada, rien, réant.
Un trou d’ozone, un trou de mémoire, de souris, de serrure…
Le noir et le néant.

J’ai pris une aiguille aussi fine qu’un cheveu de Vénus,
Je l’ai polie pendant mille ans
En sa pointe étincelle un atome de tungstène, raide et solitaire.
J’ai percé.
Univers, voilà –en verlan– ton secret révélé :
Foudre noire, arbre de vie.
Univers, ton mystère est épinglé.

— Paul Sanson

Merci à Adam Labrosse pour ses explications sur le sténopé

Quand la lune se réveille


Quand la lune se réveille,
C'est au tour du soleil,
D'aller dans son lit.
Il éteint la lumière,
Qui n'est qu'une stagiaire,
Et s'éteint lentement.
Pendant...
Que la lune mange son ptit dèj !

— Ella

Calor


Les couleurs, du latin calor, sont nommées ainsi, mon cher Nestor, parce qu'elles sont portées à leur perfection par la chaleur du soleil ! Et vous voudriez qu’elles le remplacent ? Absurde !
– Vous vous prenez pour Dieu ! Méfiez-vous !
– Comment vous y prendrez-vous ? Il faut un projet concret mon ami ! C’est bien beau les idées…
Nestor, avec un calme inébranlable, répondit à ces attaques, comme toujours, sans y répondre. Sur le ton d’un possédé et avec un rythme presque liturgique, il récita les étapes de sa proposition telles qu’elles étaient projetées sur le mur de la salle de conférence.
– Installer d’abord une cage, qui délimite une étendue, avec une porte ouverte. Installer ensuite quelque chose de simple, quelque chose de vivant, quelque chose qui grandisse avec le temps.
La salle de conférence était haute et froide. Les colonnes, dans le même style géométrique que le reste du ministère, étaient agencées avec une symétrie parfaite. Nestor poursuivit.
– Placer sous la cage mon condensateur qualien et le démarrer après la dernière seconde d’ensoleillement, lors du premier jour du dernier cycle avant l’irruption.
Les derniers mots faisaient frissonner l’assemblée. « L’irruption ». Ils étaient tous là à cause d’elle.
– Se cacher, sans rien dire, sans bouger. La vitesse de la condensation a été calculée avec exactitude par mon équipe. L’opération durera au total 1,618033 secondes.
C’est toujours avec ce type de données précises que Nestor avait su se frayer un chemin dans les comités ministériels ou les membres politiques se laissaient convaincre avant tout par ce qu’ils ne pouvaient comprendre.
La différence de potentiel devra être maintenue pendant tout le cycle solaire. Au bout de 11,2 ans, après la dernière seconde d’ensoleillement, nous relâcheront le dispositif, pour une nuit. Une seule nuit, tous les 11,2 ans, ou nous pourrons jouir de nouveau des couleurs. C’est le seul prix a payer pour mon générateur perpétuel d’énergie propre.
Il y avait un prix à payer. L’audience le savait. Celui d’un sacrifice d’ordre purement esthétique, pour ne pas dire poétique, semblait le plus léger d’entre ceux qu’ils avaient entendus cette semaine.
– Lors de la nuit du relâchement, la violence de la vivacité soudaine des couleurs et des contrastes sera atténuée par la pénombre nocturne. Il n’y a pas d’accidents à prévoir, conclut Nestor.
Le silence paraissait impossible à briser. Pourtant, une question surgit d’un coin indéterminé de la salle. Elle avait son importance.
- Quelle couleur choisirons-nous de garder ?
- Qu’entendez-vous par là ?
- Quelle couleur nous servira de support pour les étendues, les formes, dans la vie de tous les jours, pendant les 11,2 années ? Autrement nous risquons une déréalisation de l’espace sans la couleur !
- Nous prendrons la teinte la plus neutre de la couleur transparente.
- Excusez-moi, mais « transparent » n’est pas une couleur !
- C’est la couleur du vent et  de l’eau, rétorqua Nestor. Vous verrez. C’est une couleur qui ne fait pas de mal, elle est calme et sèche, elle est parfaite.

Il fait beau. Marie regarde par la fenêtre. Son regard est attiré par le bouquet monumental de la place carrée. Elle ne peut pas voir les couleurs, bien sûr, elle est née dans un siècle noir et blanc. Ce que Marie ne sait pas, c’est que c’est son grand-père Nestor qui en est l’agent.
Son fiancé lui tient la main en regardant dans la même direction qu‘elle, il fredonne un air plein de joie et d‘innocence. Parfois, les mots ne suffisent pas, il nous faut des notes…

— Eleonore Sur

Zébrures glacées


Zébrures glacées
Filant en zigzag
Traces subtiles
Noyées dans le noir
Nuances de bleu
Perdu dans l’orangé
Du ciel oublié.

— Sylvie Brugeal


Le soleil s'éclipse


Le soleil s'éclipse
L'horizon jaune ocre
S'impose au jour furtif
Avant que la nuit ne s'éternise.

— Sylvie Brugeal


Amsterdam


Petit poisson prisonnier de la piscine de béton, j'ai touché le fond. Ma mer est grise et carrée, les vagues sont fanées. Seul sous la glace vitrée, je vais et je viens... Putain ! je fais le tapin.
Il entrera, c'est certain. J'entendrai fredonner Combien pour ce voilier dans la vitrine ? Le rideau s'arrachera, je serai dans ses bras.
Emmène-moi au bout de la terre. Emmène-moi au pays des merveilles 
Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil...
Moi qui n'ai connu toute ma vie que le ciel du Nord 
j'aimerais débarbouiller ce gris en virant de bord.

— Paul Sanson

Bribes de Emmenez-moi, Charles Aznavour

Marilyn B

Cela fait longtemps que Marilyn est sur la pointe des pieds, le bras étiré au maximum. Elle lance ses petits doigts tous azimuts mais ils sont trop courts. Elle se tend encore une fois de tout son corps, de toutes ses forces… ses doigts ne font que la frôler. Elle abandonne, et se laisse glisser vers le bas de l’étagère, abattue, le menton vibrant, retenant une larme, vexée.
Je suis trop petite.  Et en plus, c’est surement interdit.
Tout est si différent chez Julie, les objets semblent magiques, habités, mystérieux.
Tout à coup Marilyn entend la maman de Julie qui entre par le jardin, rapide, habile, légère, comme une brise. Elle a son sourire radieux habituel. Marilyn se fige. Son désir est si grand que ses yeux la trahissent et elle regarde encore une dernière fois intensément la petite poupée en bois sur l’étagère. La maman de Julie saisit cet indice en plein vol et lui sourit encore un peu plus. Elle s’approche de Marilyn, l’envahissant de son parfum fleuri et de sa lumière.
– Tiens ! Tu peux jouer avec si tu veux !
Quelle fée ! Elle me comprend ! Et ça lui donne envie de pleurer complètement. C’est bête, mais qu’est-ce que j’ai ? Et elle se sent encore plus petite. Toute petite à côté de la maman de Julie. Elle est si gentille ! Comment a-t-elle fait pour deviner ? Quand je serais grande je serais comme elle.
La poupée s’ouvre sous la pression innocente des doigts de Marilyn. Au milieu. Dans son bidon. Comme une boite. Ou comme une bouteille à la mer. Et dedans… C’est trop mignon ! Il y a une poupée plus petite ! Et dedans : une autre encore. Et une autre. Marilyn ne sait pas pourquoi, elle ne comprend pas, mais ça la rend heureuse de peler les couches de cette poupée. Elle se dit que dans la grande il y a un tas de petites. Et même une toute petite, tout au milieu, au chaud.
Elles ont toutes la même tête, les mêmes yeux, avec plein de cils, bien peints. On dirait des images de livres ! Elles sentent la peinture, et les heures minutieuses d’un peintre penché sur elles. Ou bien est-ce une femme qui les a peintes ? Toutes pareilles. Identiques. Ça doit représenter du travail ! C’est magnifique ! Quelle patience, quelle minutie. Marilyn est touchée par ces détails. Ce sont des caresses sur chacune des poupées. Même la plus petite a tous les détails. Ils sont là. Tous. Quand la petite poupée va grandir, ses yeux et ses cils vont se gonfler comme les dessins sur un ballon d’anniversaire. On voit ce que ça donne sur la grande. Ce sera exactement comme ça.

Marilyn a grandi. Elle vend les lambeaux de son rêve de petite fille sur les marchés. A bas prix. Elle voudrait devenir une poupée. En bois. Immobile. Avec des yeux délicats qui ne peuvent voir personne.

— Eleonore Sur



Loisa et Melius

Cliquer pour admirer Loisa

Melius : Je suis à côté de toi.
Loisa : Moi aussi, je suis à côté de toi et je viens de France.
– Moi, je suis en transe.
– Ça veut dire quoi « en transe » ?
– Ça veut dire « je suis hypnotisé »
– [ingénue] Ah bon, hypnotisé par qui ?
– Par toi, chère Loisa Maria Catarina Orcelia Toilala.
– [encore plus ingénue] Pourquoi ?
– Parce que t'es MOCHE !

— Ella 


Oh mon bateau


Sur la route qui nous mène
Loin du monde et des problèmes
Je fuis (il fuit)
Comme la gazelle aimable
Aux grands cils de velours
Je bondis de vague en vague
Les mouettes me crient leur bonjour

Bravant toutes les tempêtes
Sifflant comme une alouette
Je vole (il vole)
Vers de fabuleux rivages
Où je serai bientôt roi
J'entends des rythmes sauvages
Les algues dansent autour de moi
Hop là

Oh mon bateau
Tu es le plus beau des bateaux
Et tu me guides sur les flots
Vers ce qu'il y a de plus beau
Touaise lei plou bo des bateeeaauuuuu

— Katz & Fierry / Desplat
Oh mon bateau

Porte-clés

Clé de porte, clé de boîte aux lettres, clé de cadenas, clé de contact, clé du coffre, clés du royaume, clés de la république, clé de sol, clé de fa, clé de guitare, clé des songes, clé de judo, clé de voûte, clé du bonheur, clé des champs, clé du paradis, clé du destin, clé de la réussite, clé de la vie, clé de l'univers, clé du succès, clé des WC, clé passe-partout, clé anglaise, clé dynamométrique, clé à molette, clé de douze, clé à sardines, clés du Vatican, clé de Saint Pierre, clé USB, clé de sécurité, clé publique, clé quantique, clé de lecture, clé du film, clé du mystère...

— Paul Sanson

Automne mosaïque


Automne mosaïque
En damier gaufré
De tesselles dorées.
Pastel de feuilles jaunies
En grappe fauve.

— Sylvie Brugeal


À pas de velours


À pas de velours
Je mets mes pas dans les tiens.
Donne-moi juste une raison
D'être l'électron libre qui se perd
Dans les profondeurs de ton âme.
Tu es assurément
Mon élément vivant.
N'oublie pas que le temps passe.
Laissons les blessures latentes
S'envoler de notre mémoire
Et rejoindre l'obscurité.
Encensons le jour nouveau.
Le coeur à l'envers,
Devant l'éternel je te consacre
Le plus beau matin du monde.

— Sylvie Brugeal 

La mariée coupée en deux

La mariée était coupée en deux. Sur la photo, elle portait son visage comme un masque, aussi figé que le masque de mort de la victime, gisant sur le lit derrière moi. En entrant dans la petite chambre, je l'ai contemplée longuement, pale et froide sur le plaid brodé d'argent. Elle était étendue dans son ample robe immaculée avec comme seule parure sur le cœur, une fleur écarlate au pistil orné d'émeraudes de saphirs et de rubis – le manche délicat d'une dague aiguë.
Le marié était absent – effacé dans l'ombre de la photo ? partout absent dans la chambre peut être même dans le château. Était-il parti le jour des noces, tel Ulysse pour un long voyage ou bêtement comme Jean-Pierre descendu acheter des cigarettes, la laissant seule sur la photo. Combien de temps Pénélope l'a t-elle attendu ? la photo fanée dit : trop longtemps.
Lucas était resté planté à la porte. Il murmura dans mon dos : on dirait la belle dame d'un conte, plongée dans le sommeil éternel. Janvier qui avait commencé à ouvrir les tiroirs ajouta plus prosaïque : la pièce est vide, pas de linge, pas d'objets, rien.
– Si répondis-je il y a cette photographie, c'est la clé du mystère.

— Paul Sanson


Soleil oblongue

Les nuages s'effilochent
Sous le regard coloré
Du soleil oblongue
Qui s'endort dans la nuit.

— Sylvie Brugeal 




Voilà, c'est ici


Lui : Voilà, c'est ici, tu peux ouvrir les yeux.
Elle les ouvre et sourit en silence.
Lui : Alors ?
Elle : Je comprends.

Lui : Le reflet est plus vivant n'est-ce pas ?
Elle : Oui, il bat, il est léger, il sent bon...

Lui : Et il a une peau.
Elle : Oui, elle est si proche ! ... on voudrait la caresser!

Elle : Vite ! mes pinceaux...

— Eleonore Sur

Porte parole

cliquer pour voir les paroles
Prenez cette porte jaune. Pourquoi n'aurait-elle pas droit à la parole ? Personne ne l'écoute, personne n'y fait attention. Un jour qu'elle tremblait et tapait sous l'implacable lumière du mistral fou, un passant se moqua : tu es vielle et dégondée, arrête de battre tu va claquer. Chauffé par le soleil et la colère, le goudron qui baigne les veines de son bois lui est monté aux joues. Elle a fait la tête, et pas contente ! Les mots ont poussé comme des boutons, serrés et se montant dessus. Le passant, surpris par la révélation de ce palimpseste mal lavé, scruta les bribes bredouillées et n'y compris rien. C'est pas grave, dit-il, c'est l'intention qui compte.

— Paul Sanson



Ce nuage est bien noir


Ce nuage est bien noir : - sur le ciel il se roule,
Comme sur les galets de la côte une houle.
L'ouragan l'éperonne, il s'avance à grands pas.
- A le voir ainsi fait, on dirait, n'est-ce pas ?
Un beau cheval arabe, à la crinière brune,
Qui court et fait voler les sables de la dune.
Je crois qu'il va pleuvoir : - la bise ouvre ses flancs,
Et par la déchirure il sort des éclairs blancs.
Rentrons.

— Théophile Gautier, Pluie

Métamorphose

Le marteau brise la faïence en esquilles concassées, explose les assiettes en éclats de porcelaine fracassés. La lourde masse fait craquer la céramique, la broie en miettes. La poussière acre monte, les gravats fument.
Tout est éparpillé par petits bouts, façon puzzle.
Il faut s'armer de patience et de colle.
L'esprit doit se rendre, s'éteindre et laisser faire l'œil. C'est l'œil qui navigue dans les vestiges, les débris. Insatiable, il explore les fragments : il compose, écarte, marie. Alors la main soumise et précise agrège, enchâsse, ajuste et scelle.
Bientôt tout n'est qu'harmonie. L’œil repus se ferme, l'esprit s'éveille et s'ouvre.

— Paul Sanson
Métamorphose | puzzle | Trancadis du parc Güell


Sidération


L'été, le Château de la Rochefoucauld revit dans la cohue des touristes. Moi Le Photographe, ça m'énerve et ça me saoule. J'en suis sorti en mode zombie. Mon fidèle Leica à la main, j'ai dû errer dans la lumière calcaire des rues du bourg avant de me souvenir que je cherchais ma bagnole (une Simca 1000 de 63, celle avec les sièges en skaï rouge sang).
J'ai enfilé une courte venelle et soudain me voilà cloué, sidéré.
A mes pieds, l'ombre de la vieille ville déverse son goudron sur la plage. A l'horizon, le ciel a la couleur de la mer. Au zénith, le soleil brûle tout. Est-ce un tanker arrimé au lampadaire ? Est-ce un bunker échoué à la côte ? Que fait ce vaisseau spatial scotché dans la lumière ? Pas âme qui vive sur l'esplanade desséchée, pas un chat, pas une Simca.
Le silence est éternel, le temps est réfuté.

Paul Sanson
Hôpital de la Rochefoucauld

Mémoire à long terme


Mémoire à long terme
Des parfums gelés
Où es-tu ?

— Eleonore Sur


There are doors


Darling
I tried to say good-bye last night, but you wouldn't listen. I'm not a coward, really I'm not.
If it weren't for the doors I wouldn't tell you a thing―that would be the best way. You may see one, perhaps more than one, at least a little while. It will be closed all around. (They must be closed on all sides.) It may be a real door, or just something like a guy-wire supporting a phone pole, or an arch in a garden. Whatever it is, it will look significant.
Please read carefully. Please remember everything I'm saying. You must not go through.
If you go through before you realize it, don't turn around. If you do, it will be gone. Walk backward at once.
— Lara
PS:  You always put these on, don't you? At the end. At the end, I loved you. I really did. (Do.)
Lara Morgan's note left on the kitchen table to Green, in There are Doors by Gene Wolfe.

Écorché


Animal pédantesque,
terrassé sur ta fresque :
révises donc tes charmes,
tes exploits majuscules.
Apollon te désarme,
te désosse et t'annule !

—  Eleonore Sur


La petite école dans le mauvais temps

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots !

— Arthur Rimbaud, Le bateau ivre

L'ancienne école de Babaudus
Hommage au navire du Douanier Rousseau

La Veilleuse musicale Le Monde




Usage tous âges.

Pour rassurer l'utilisateur lors de son sommeil grâce à sa lumière douce et apaiser ses angoisses au réveil en lui conférant une sensation de contrôle.

Trois Modes d'utilisation :
- En pressant l'unique bouton, la lumière s'intensifie et le mouvement de la foule s'apaise.
- Des que le bouton est actionné une deuxième fois, la veilleuse émet une musique sécurisante et réconfortante au rythme d'un battement cardiaque maternel.
- A la troisième pression du bouton, les couleurs alternent sur un cycle de 3 tonalités basiques jour/crépuscule/nuit ou nuit/aurore/jour.

Très facile d'utilisation.
Rechargeable sur son socle (livre avec chargeur, alimentation basse tension).
Double intensité réglable pour économie d'énergie. Durée extra-longue jusqu'à 11,2 années.
Ne présente aucun risque photo biologique.
Le Monde est 100% recyclable.
Norme CE.

— Eleonore Sur
A propos de l'Installation "Le monde en Marche" de Fabien Chalon à la Gare du Nord, Paris 2009

Le vallon

Cliquer pour agrandir
Dans ombre de ce vallon
Pointent les formes légères
Du Rêve. Entre les bourgeons
Et du milieu des fougères
Émergent des fronts songeurs
Dans leurs molles chevelures,
Et des mamelles plus pures
Que le calice des fleurs.

— Cécile Sauvage, Fumées


Clown tragique

L'art du clown va bien au-delà de ce qu'on pense.
Il n'est ni tragique, ni comique ;
il est le miroir comique de la tragédie et le miroir tragique de la comédie.

— André Suarès