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La fête de La Châtaigne bat son plein dans le soleil doré d’une belle après-midi d’automne et les fanfaronnades farcies aux canards. On déguste le boudin aux pommes et le boudin à la châtaigne, le tout arrosé du cidre frais qui dégouline du grand broyeur de pommes trônant sur la place. L’exode rural a drainé la jeunesse du petit village de La Châtaigne (123 habitants) mais la mairie est revigorée par l’installation récente de « jeunes » ; des retraités cultureux de banlieue, nostalgiques de la ruralité, ouvertement en rupture avec les technologies prédatrices du moi intérieur… Elle a décidé de constituer la Commission Paritaire Participative Événementielle qui a proposé d’instituer une cérémonie intitulée « Autodafé à La Châtaigne ». Le terme « autodafé » a provoqué des débats longs, parfois aigres, en raison de ses connotations. La commission est arrivée à un consensus aux termes duquel a) aucun texte ne serait brûlé ; b) le broyeur de pommes serait l’instrument du supplice. En fin d’après-midi, les villageois sont invités à se rapprocher du grand broyeur de pommes et chacun y jette un objet symbolique de la vie dévoyée à la ville : une tablette chinoise ; un smartphone coréen, des lunettes 3D, un pass navigo… Pendant les activités scolaires, les enfants ont peint sur des ballons d’hélium des personnages de dessins animés et de jeux vidéo aux couleurs criardes : Spiderman, Pokémons, Homer Simpson… La fanfare joue de la musique branchée : Electro, Hip-hop, Rap, Dub, Grind… En raison du terme a), les partitions ne sont pas jetées dans le broyeur mais un enregistrement Ce n’est pas du jus de pomme qui dégouline dans le baquet de bois ; c’est de la grenaille électronique. Quand il sera rempli, il s’envolera emporté par les ballons jusqu’aux cieux, aux cris de « Vive la pomme ! Vive le boudin ! Vie à La Châtaigne ! ». — Paul Sanson |