La mariée était coupée en deux. Sur la photo, elle portait son visage comme un masque, aussi figé que le masque de mort de la victime, gisant sur le lit derrière moi. En entrant dans la petite chambre, je l'ai contemplée longuement, pale et froide sur le plaid brodé d'argent. Elle était étendue dans son ample robe immaculée avec comme seule parure sur le cœur, une fleur écarlate au pistil orné d'émeraudes de saphirs et de rubis – le manche délicat d'une dague aiguë. Le marié était absent – effacé dans l'ombre de la photo ? partout absent dans la chambre peut être même dans le château. Était-il parti le jour des noces, tel Ulysse pour un long voyage ou bêtement comme Jean-Pierre descendu acheter des cigarettes, la laissant seule sur la photo. Combien de temps Pénélope l'a t-elle attendu ? la photo fanée dit : trop longtemps. Lucas était resté planté à la porte. Il murmura dans mon dos : on dirait la belle dame d'un conte, plongée dans le sommeil éternel. Janvier qui avait commencé à ouvrir les tiroirs ajouta plus prosaïque : la pièce est vide, pas de linge, pas d'objets, rien. – Si répondis-je il y a cette photographie, c'est la clé du mystère. — Paul Sanson |