Ô nostalgie des lieux

Ô nostalgie des lieux ...
Revenir sur mes pas, refaire doucement
- et cette fois, seul - tel voyage,
rester à la fontaine davantage,
toucher cet arbre, caresser ce banc...

Monter à la chapelle solitaire
que tout le monde dit sans intérêt ;
pousser la grille de ce cimetière,
se taire avec lui qui tant se tait.

Car n'est-ce pas le temps où il importe
de prendre un contact subtil et pieux ?
Tel était fort, c'est que la terre est forte ;
et tel se plaint : c'est qu'on la connaît peu.

— Rainer Maria Rilke, Vergers