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La révolte des Bisounours


Au royaume des doudous, le bleu côtoie le rose :
délicates harmonies de babies sans le blues.
La lune et les étoiles redorent même le ciel.
La dentelle du coussin se fronce de plaisir.
Chiffons, festons, croquets,
Vichy, Liberty, et fleurettes
susurrent à l’oreille d’Alice,
qu’au pays des Merveilles,
elle peut, si elle le veut,
épouser le Lapin au nez brodé de rouge,
avec pour seuls témoins
les poupons et Nounours en habits de peluches.

Mais tout ce petit monde, frappé d’obsolescence,
en manque de câlins, de considération,
boudé par la mignonne en route d’adolescence,
programme sa révolte, entre en révolution.
Convoqué pour statuer, le clown impertinent
s’en vient crever d’un coup la bulle de l’enfance.
Excite les doléances,  incite à la vengeance.
C’est la guerre des nerfs entre les doudous sages :
les réclamations fusent,
les frustrations claquent,
les jalousies lacèrent les chiffons.
Le monde des Bisounours explose dans la chambre.

Alors, d’autorité et sans un jugement,
la jeune fille-fleur enfouit tous ses trésors
dans la malle à souv’nirs et impertinemment,
part explorer le monde : un monde sans Bisounours !

— Liliane Fauriac

Printemps


Deux parasites se disputent une brindille.

Le plus ancien, d’écailles grises, revendique l’occupation du vieux bois rabougri en voie d’épuisement.

L’autre jaillit du rameau, en boutons roses éclatants de vitalité.
Porteur de fruits en devenir, il exige sa part de sève.

Lichen contre bourgeon :
Les deux l’emporteront.
La nature aime les miracles !

— Liliane Fauriac

Alcool


Au fond du verre, l’élixir recueille les débris
De vies multiples et gaspillées.

Dans les replis de la matière torturée,
Sang et lumière se confondent en mouvances irisées,
Tandis que la coupe factice de l’espérance
Jaillit du breuvage sombre au parfum d’abandon.

Illusions et passions se boivent jusqu’à la lie.
Rêves et prémonitions décryptées dans les effluves.
Alcool : vague rouge où se noient les fantasmes.

— Liliane Fauriac

Liberté


De gracieuses vrilles retiennent prisonnières deux mailles barbelées.
Si elles enserrent avec vigueur les fils rouillés, alors ils céderont pour libérer l’énergie nouvelle.
Ainsi, l’apparente fragilité de l’espérance peut contraindre la haine et le mal à lâcher leur emprise.
Et sur les barbelés, les bourgeons éclatés porteront des fleurs de l’espoir.

— Liliane Fauriac

L’œil bleu


L’œil bleu scrute les toiles d’araignées – méduses d’un océan d’oubli.
Ses paupières de planches grises résistent aux désirs de la rouille invasive.

L’œil bleu, unique rescapé d’une bataille contre le temps,
observe dans les ruines les souvenirs qui jouent à colin maillard.

Une musique blonde dans la lumière d’une fenêtre sur cour,
Un feu en robe blanche qui court côté jardin.

— Liliane Fauriac

On la croyait abandonnée


On la croyait abandonnée la maison au bout du chemin.
Depuis longtemps les serpents, les oiseaux et les rats avaient élu domicile parmi le lierre, les ronces et les jeunes acacias.
Ses faîtières épuisées avaient cédé sous le poids des années sans le soutien de ses poutres vermoulues.

En passant, hier, Oh !
Non, je n’ai pas rêvé !
Vous voyez bien qu’elle est habitée puisque sa cheminée fume des nuages !

— Liliane Fauriac

Foulards


Des frontières de dentelles
Pendent aux couleurs de nos désirs d’été.
Sous les festons, des ramages sans complexes
Inventent l’harmonie.

— Liliane Fauriac

Automne


Si j’étais peintre, je l’habillerais de capes rousses,
Soleils, robes d’or, jupes en mousse,
Avant que l’hiver la dénude
En lui volant sa plénitude.

Si j’étais trompettiste je donnerais l’aubade
À ses couleurs en cascades
De châtains, roux et blonds
Chaude harmonie en ton sur ton.

Si j’étais poétesse, j’enfilerais des rimes
Sans raison, rarissimes,
Pour lui faire des colliers en glissant dans mes vers
L’ocre des perles de la terre.

Si j’étais photographe, je retiendrais captive
Sa lumière explosive
Pour l’offrir à l’hiver,
Les nuits de pleine lune… mystère !

Mais je ne suis que visiteuse et amoureuse
De ses flamboyances audacieuses,
De parures fauves sous la brume
Et de tous ses parfums que je hume.

— Liliane Fauriac,  Extrait de « Fleur d’Espoir »

L'avant


Une aurore écarlate,
sur l’obsession
de tes baisers clandestins,
attise l’impertinence
de mon désir.

L’absurde pendule
se joue de mes chimères
et s’évertue à étirer l’avant
en interminable sursis.

Des symphonies :
pastorales, pathétiques, héroïques
balisent ton approche
jusqu’à la fébrilité
de mes frontières de dentelle.

 Liliane Fauriac

Rose


Elle, l’amie du Petit Prince
Empile les pages rouge sang
Où elle a écrit son roman
Autour de son corset si mince.

Que n’écrit-on à l’eau de rose
En se griffant à ses épines ?
Jardiniers et poètes peaufinent
Espérant la métamorphose.

D’aucuns la disent capricieuse,
Dédaignent son parfum, sa beauté.
D’autres louent sa féminité
Reine des fleurs délicieuse !

Rose cueillie, rose ouverte
Rose sauvage, rose fanée,
Rose en bouton ou surannée
Mieux qu’un présent : rose offerte.

Au fil des jours et sous le vent
Comme nos corps, elle s’incline.
Comme une femme, elle fascine,
Conjugue « aimer » à tous les temps.

— Liliane Fauriac

Le thé berbère


Thé de la bienvenue,
Thé de l’amitié,
Thé parfumé de menthe
D’armoise ou de lavande
Répands l’arôme de la paix.

Brûlant et parfumé,
Sucré comme la vie,
Le premier se fait doux.

Excitant, passionné,
Puissant comme l’amour,
Le deuxième est plus fort.

Tiède puis bientôt froid,
Amer comme la mort,
Le troisième se dissout
À la fin du voyage.

— Liliane Fauriac

Divagation dans le reg


Dans son château minéral,
Échappée par les toits des cheminées de fée,
L’âme de la princesse captive veille.
Au creux de ses rides sculptées par le vent
Elle ensorcelle le voyageur audacieux.
Sur l’aile des vautours,
Elle plane au-delà des vagues fauves
Qui bourgeonnent de mille fleurs d’argile
Fixées sur les contours de dunes immobiles.
Elle hante le désert livré au promeneur
Captif de ses méandres.
Des voiles de nuages la caressent en passant
Et exaltent le bleu qui l’habille au soleil.
Nul ne saura jamais le bruit de l’océan
Au fond duquel elle a éclos.
Nul ne saura jamais
La violence des flots qui ont moulé ses courbes
Et modelé ses creux.
Tous mes sens envoûtés
Par ses parfums subtils
Vibrent encore au frisson
De sa beauté intense.

— Liliane Fauriac