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Dans l'interminable

Dans l'interminable
Ennui de la plaine,
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune,
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme des nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.
...

— Paul Verlaine. Romances sans paroles (1874) - extrait

Ponctuations

Ce n'est pas pour me vanter,
Disait la virgule,
Mais, sans mon jeu de pendule,
Les mots, tels des somnambules,
Ne feraient que se heurter.

C'est possible, dit le point.
Mais je règne, moi,
Et les grandes majuscules
Se moquent toutes de toi
Et de ta queue minuscule.

Ne soyez pas ridicules,
Dit le point virgule,
On vous voit moins que la trace
De fourmis sur une glace.
Cessez vos conciliabules
Ou, tous deux, je vous remplace!

— Maurice Carême (1899-1978)

L'arbre rouge

Dessin My
Sur l'arbre rouge, as-tu-vu
Le corbeau noir ?
L'as-tu entendu ?
En claquant du bec, il a dit
Que tout est fini ;
Les fossés sont froids,
La terre est mouillée.
Nous n'irons plus rire et nous cacher
Dans la bonne chaleur du blé.
Le corbeau noir a dit cela,
En passant,
Dans l'arbre rouge couleur de sang.

— Marguerite Burnat-Provins

Dans Le Havre

Aquarelle Gérard Miro
Lasse comme les flots, lasse comme les voiles,
J'entre dans le doux port plein d'embruns et d'étoiles.

Depuis des temps, j'ai vu les plus divins climats
Et je dors en ce havre où sommeillent des mâts.

Mon esprit s'est tourné vers des rêves plus sages,
Je désapprends enfin l'ardeur des longs voyages.

Tant de rires dorés viennent vous décevoir
Que l'on se sent moins de jeunesse vers le soir...

— Renée Vivien - Dans le Havre - (extrait)

Rêverie

Aquarelle Gérard Miro
Alors que sur les monts l'ombre s'est abaissée,
Des jours qui ne sont plus s'éveille la pensée ;
Le temps fuit plus rapide, il entraîne sans bruit
Le cortège léger des heures de la nuit.

Un songe consolant rend au cœur solitaire
Tous les biens qui jadis l'attachaient à la terre,
Ses premiers sentiments et ses premiers amis,
Et les jours de bonheur qui lui furent promis.

Calme d'un âge heureux, pure et sainte ignorance,
Amitié si puissante, et toi, belle espérance,
Doux trésors qui jamais ne me seront rendus,
Ah! peut-on vivre encore et vous avoir perdus !

— Amable Tastu - Poésies (1826)

Le retour du soleil

Aquarelle Gérard Miro
Pour le retour du Soleil honorer,
le Zephir, l'air serein lui apareille,
et du sommeil l'eau et la terre esveille,
qui les gardoit l'une de murmurer,

en dous coulant, l'autre de se parer
de mainte fleur de couleur nompareille.
Ja les oiseaux es arbres font merveille,
et aux passants font l'ennui modérer ;

les Nynfes ja en mile jeus s'esbatent
au cler de Lune, et dansans l'herbe abatent.
Veus tu Zephir de ton heur me donner,

et que par toy toute me renouvelle ?
Fay mon Soleil devers moy retourner,
et tu verras s'il ne me rend plus belle.

— Louise Labé - œuvres poétiques - Sonnet XV

Rêves d'automne

Aquarelle Gérard Miro
Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire;
J'aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois !
... 

— Alphonse de Lamartine, Rêves d'automne

La pente de la rêverie

Aquarelle Gérard Miro
Alors, dans mon esprit, je vis autour de moi
Mes amis, non confus, mais tels que je les vois
Quand ils viennent le soir, troupe grave et fidèle,
Vous avec vos pinceaux dont la pointe étincelle,
Vous, laissant échapper vos vers au vol ardent,
Et nous tous écoutant en cercle, ou regardant,
Ils étaient bien là tous, je voyais leurs visages,
Tous, même les absents qui font de longs voyages...

— Victor Hugo - La pente de la rêverie (extrait)

Aquarelle Gérard Miro
Adieu, passé, songe rapide
Qu’anéantit chaque matin !
Adieu, longue ivresse homicide
Des Amours et de leur festin,
Quel que soit l’aveugle qui guide
Ce monde, vieillard enfantin !
Adieu, grands mots remplis de vide,
Hasard, Providence ou Destin !
Fatigué dans ma course aride
De gravir contre l’incertain,
Désabusé comme Candide
Et plus tolérant que Martin,
Cet asile est ma Propontide :
J’y cultive en paix mon jardin.

— Beaumarchais (1732-1799)
Inscription placée dans son jardin, au fond d’un bosquet.

Vol d'oiseaux migrateurs

Une espèce de danse au carrefour des cieux
Et, planant en silence, en leur envol gracieux,
Regardez-les signer, dessiner dans l'espace
Les lignes d'une lettre, un rêve qui s'efface.

Venant d'on ne sait où, allant dans un ailleurs,
Ils quittent nos hivers, les oiseaux migrateurs
Et crient leur liberté, sans prison ni barrière,
En leurs pépiements d'école buissonnière.

Nous, nous ne bougeons pas, au gré de nos saisons
Eux nous laissent le froid, blottis en nos maisons,
Nous cherchons dans la vie à laisser une trace,
Eux, ils vont de l'avant et nous laissent sur place.
… 

— Charly Lellouche (extrait)

Promenade à vélo

Dessin My
Me promener à vélo,
Le matin tôt.
Respirer l'air frais
Dès l'aube me rend gaie.

Moments de liberté,
Parmi les fleurs rosées.
Roulant à toute allure,
Le vent en pleine figure.

J'ai ce sentiment infini
D'être en paix avec la vie
Et surtout avec moi-même,
Oubliant toutes mes peines.

Grâce au chant des oiseaux,
A l'odeur des coquelicots

Enfin le temps de regarder,
Enfin le temps de respirer,

Enfin le temps de rire,
Enfin le temps de vivre.

— Poème de Florence Levardon

Printemps

Gérard Miro
Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire !
Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire,
Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis !
Les peupliers, au bord des fleuves endormis,
Se courbent mollement comme de grandes palmes ;
L'oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ;
Il semble que tout rit, et que les arbres verts
Sont joyeux d'être ensemble et se disent des vers.
Le jour naît couronné d'une aube fraîche et tendre ;
Le soir est plein d'amour; la nuit, on croit entendre,
A travers l'ombre immense et sous le ciel béni,
Quelque chose d'heureux chanter dans l'infini.

— Victor Hugo (Toute la lyre)

Les Hiboux

Ce sont les mères des hiboux
Qui désiraient chercher les poux
De leurs enfants, leurs petits choux,
En les tenant sur les genoux.
Leurs yeux d'or valent des bijoux,
Leur bec est dur comme cailloux,
Ils sont doux comme des joujoux,
Mais aux hiboux, point de genoux !
Votre histoire se passait où ?
Chez les Zoulous ? Les Andalous ?
Ou dans la cabane bambou ?
A Moscou ou à Tombouctou ?
En Anjou ou dans le Poitou ?
Au Pérou ou chez les Mandchous ?
Hou ! Hou !
Pas du tout, c'était chez les fous.

— Robert Desnos

El reloj de arena

El reloj de arena
Juega
A llenarse de luz
A vaciarse de sombra.
Nosotros le damos vuelta
Jugamos a no perdernos
No vaciarnos de luz
No llenarnos de sombra.

— J.H. Cadavid (poète colombien)

Le sablier
Joue
A se remplir de lumière
A se vider d'ombre.
Nous le retournons
Jouons à ne pas nous perdre
A ne pas nous vider de lumière
A ne pas nous remplir d'ombre.

Selon la tradition

Selon la tradition, un navire portant des marchands de nitre vint y aborder (Phénicie) et comme les marchands, dispersés sur le rivage, préparaient leur repas et ne trouvant pas de pierres pour exhausser leurs marmites, ils les remplacèrent par des mottes de nitre tirées de leur cargaison.
Quand celles-ci se furent embrasées, mêlées avec le sable du rivage, des ruisseaux translucides d'un liquide inconnu se mirent à couler et telle fut l'origine du verre.

— Pline l'ancien (Histoire naturelle - extrait)


Ulysse et les Sirènes

Amis, il ne faut pas qu'un ou deux seulement connaissent les oracles que m'a transmis Circé, la divine déesse. Je vais donc vous les dire, afin que nous sachions ce qui peut nous perdre ou ce qui peut nous permettre d'éviter et de fuir la mort et le trépas. Circé tout d'abord nous ordonne d'éviter la voix et la prairie en fleurs des merveilleuses Sirènes. Elle m'engage seul à écouter leur voix. Mais il faut que vous m'attachiez avec des liens solides, que je reste immobile, debout contre le mât, où vous nouerez les cordes. Et si j'en venais à vous supplier et à vous ordonner de me détacher, serrez-moi sur-le-champ en des liens plus nombreux.

— L'odyssée - chant 12 - Homère

Blanc à remplir sur la carte voyageuse du pollen


Dessin Gérard Miro
N'y eût-il dans le désert
qu'une seule goutte d'eau qui rêve tout bas,
dans le désert, n'y eût-il qu'une graine volante
qui rêve tout haut,
c'est assez,
rouillure des armes, fissure des pierres, vrac des ténèbres
désert, désert, j'endure ton défi
blanc à remplir sur la carte
voyageuse du pollen.

— Aimé Césaire

Les griffonnages de l'écolier

Charle (sic) a fait des dessins sur son livre de classe.
Le thème est fatigant au point, qu'étant très lasse
La plume de l'enfant n'a pu se reposer

Qu'en faisant ce travail énorme: improviser
Dans un livre, partout, en haut, en bas, des fresques
Comme on en voit aux murs des Alhambras moresques
Des taches d'encre, ayant des aspects d'animaux
Qui dévorent la phrase et qui rongent les mots
...

—  L'art d'être grand-père - 1877- Victor Hugo - extrait
Les griffonnages sont de l'écolier Gérard Miro en personne.

La lune blanche

dessin G. Miro
La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée...

O bien-aimée.
L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure...

Rêvons, c'est l'heure.

Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise...

C'est l'heure exquise.

— Paul Verlaine, La bonne chanson


Anagrammes

Dessin G. Miro
Par le jeu des anagrammes
Sans une lettre de trop,
Tu découvres le sésame
Des mots qui font d'autres mots.

Me croiras-tu si je m'écrie
Que toute neige a du génie ?

Vas tu prétendre que je triche
Si je change ton chien en niche ?

Me traiteras-tu de vantard
Si une harpe devient un phare ?

Tout est permis en poésie.
Grâce aux mots, l'image est magie.

— Pierre Coran