Le ceveu sur la langue.

Dessin G. Miro
Zé un ceveu sur la langue
Et pas un sur le caillou

Quand ze bois un peu, ze tangue
Et ze me traîne à zenou...
Zé de l'acné zuvénile
Malgré mes quatre-vingt-z'ans
Et c'est loin d'être facile
Car les zens sont médisants.

Zé aussi, c'est plutôt triste,
Un œil qui fait les cent coups
Et l'autre qui fait le pitre
Zé de plus un très long cou
On m'appelle la zirafe
Et ze suis vézétarien !

C'est pourquoi les gens s'esclaffent
Et qu'ils ne m'épargnent rien.

— Paul Julien, Le ceveu sur la langue (extrait)

Precious Moments

Precious moments we can but borrow,
Remember today is purely yesterday’s tomorrow.
Hoped aspirations are memories yet to be hewn.
We all return to mere stardust far too soon.

— Philip Wood

Orpins d'or

Bijoux sublimes chaque année renouvelés
Écrin végétal dans un somptueux nuancier
Promeneur émerveillé par tant de richesses
Mémoire comblée dans un délicieux abandon.

— Liliane Faucher


La Rue Saint-Bon

À Paris, remonter la rue Saint-Bon
Ce n'est pas long
Cette petite rue
Il faut l'avoir vue
On dirait un décor de théâtre
Est ce que je rêve ?
Il me semble
Que trois coups on frappe.

Acte I : Un musicien de rue
Qui n'a plus un rond
Vient jouer un air d'accordéon
Pour nous souhaiter la bienvenue.

Acte II : Un autre « sans le sou » préfère
S'installer près de la Chapelle
Les passants, ils les interpelle
Ainsi : « Une pièce ou l'enfer ! »

Acte III : Ceux qui ont donné sont récompensés
Car notre mendiant ne manque pas de leur indiquer
L'endroit où éclata
Un obus de la grosse Bertha
Pendant la Grande guerre
La « Der des Ders »
C'était au numéro trois
Dans le dos, ça fait froid
Le temps a passé
Rideau! le spectacle est terminé.

De rêver, continuons
Mais d'une autre façon :
En dessinant
Puisqu'on a le temps
A un poteau, j'accroche mon vélo
Je prends mes pinceaux
C'est si beau, en toutes saisons,
La rue Saint-Bon.

— Gérard Miro

On the way to the sea

We went for a walk along the promenade,
We stopped at a cafe for a cold lemonade
We saw this little man sitting on the fence
Looking out to sea
I should have asked him if he would like a cup of tea.

— Gillian Reid


Midi

Dessin G. Miro
Midi, roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine ;
La terre est assoupie en sa robe de feu.

L'étendue est immense, et les champs n'ont point d'ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux ;
La lointaine forêt, dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.

Seuls, les grands blés mûris, tels qu'une mer dorée,
Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil ;
Pacifiques enfants de la terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du soleil.

Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S'éveille, et va mourir à l'horizon poudreux.

— Leconte de Lisle, Midi (extrait) - Poèmes antiques