Harry le lézard gris


Il n'est pas beau, un peu pataud, Harry.
Je l'ai découvert l'année dernière.
Je l'ai retrouvé au printemps, au coin de la maison.
J'aime lui dire des mots tendres et doux,
Il fait semblant de m'écouter.
Il aime peut être la musique des mots, qui sait !
Il aime prendre le soleil sur une pierre de coquillages.
Il aime se faufiler entre les petits pots de plantes grasses.
Pour lui, je pose chaque jour un peu d'eau fraîche.
Il n'est pas beau, un peu pataud, mais il est fidèle, Harry !

— Liliane Faucher

Liberté

Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom
[...]

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom

Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

— Paul Éluard, Poésie et vérité 1942 (extraits)
Dessin Gérard Miro.

Le petit jardin


Les orangers du Mexique parfument élégamment le petit jardin
Les pavots de Californie offrent leurs corolles de lumière à nos regards ravis
Un goéland glisse lentement dans le ciel bleu saphir
Des papillons volettent parmi les fleurs
Les oiseaux chantent leur bonheur dans un monde trop calme
Les premiers coquelicots osent ouvrir leurs corolles si fragiles
Une brise douce caresse les cheveux d'ange

Au loin, une corne de brume,
Le terrible destin des Hommes semble étouffé en ce moment magique.

— Liliane faucher

Nature quiète


Ma photo rapporte
un instant qui s'ouvre
une nature morte
qui retient son souffle

Ton pinceau léger
insouciant s'abreuve
des perles bleutées
jaunes grises et rouges

— Eleonore Sur

Aquarelle Iris Mourik

Est-il libre Max ?

Zoo de Londres 1980

Qui dit zoo, dit grilles et barreaux. « Où sont les barreaux ? », demandé-je à Adam Labrosse, auteur de ce cliché. « Facile, avec un 85mm à F1.4 le champ net n’est qu’une lame de rasoir. Les barreaux ont fondu dans un flou Hamiltonien qui sied à cet admirable sujet ». Ainsi soit-il.
Labrosse ajouta : « C’est Max, le mâle dominant du groupe des macaques ; c'est lui le boss. Il règne sur une douzaine de femelles qui lui quémandent ses faveurs et une douzaine de jeunes mâles dont il doit arbitrer les incessantes chamailleries. Le reste du temps, il regarde à travers les barreaux ».
Émilie Brontë prétend qu’il y a deux sortes d’hommes : ceux qui recherchent le pouvoir et ceux qui recherchent la liberté. Évidemment, la liberté de Brontë n'est pas l'espérance du prisonnier dans sa geôle, c'est la sensation de « se sortir de soi » qui a pour vertu de repousser l'angoisse.
Max a le pouvoir ; inné, absolu. Mais l’a-t-il cherché ? On ne dirait pas. Il est privé de liberté. Mais la cherche-t-il ? On dirait bien. Ou est-ce le contraire ? Ne serait-il pas plutôt prisonnier de son lourd héritage ? La quête dans son regard n'est pas l'évasion de sa cage de fer. Ses vrais barreaux ce sont ses sujets, sa cage c'est lui. Émilie Brontë c'est lui.

— Paul Sanson


Message à la lune


Toi qui évolues librement dans le grand univers
Toi qui joues avec de petits nuages insouciants
Toi qui ignores les misères de notre vie d’en bas
Toi qui réconfortes ceux qui te contemplent
Toi qui illumines le silence de la nuit
Toi qui ignores le roulis de la mer interdite
Toi qui m’apaises, merci.

— Liliane Faucher

Puzzle lexical


Le gouvernement rationne, car c’est son boulot
Sinon à quoi servirait-il ?
Sinon il serait inutile.
Alors, il rationne tout, même les rots et les mots.

Ce matin je suis allé quérir mon quota de bons-mots
Dans une boîte lexicographique ils sont bien rangés
A comme amour, B comme Boisson, … en quatre rangées
Ma mie me dit « allez, dis-moi dix mots ! »

Au hasard des cases, six mots je tire :
« pas mousse roule n’amasse qui pierre »
Avec ces mots tout mélangés que vais-je faire ?
À ma tendre amie que vais-je dire ?

— Paul Sanson

Rationnement lexical


Le gouvernement a trouvé que le peuple papote abondamment.
Le peuple si on l’écoutait, il ne ferait que blaguer, que parloter.
Ses discours de comptoir sur le foot et les femmes épuisés,
Il irait même jusqu’à dire, prédire et médire du gouvernement.

Le gouvernement a décrété qu’il fallait rationner les mots :
Tant par personne, disons 167 par jour, et pas un de plus !
Quand ma tendre amie, beauté éloquente s’il en fut,
Tombe à court de verbe, je lui offre mes bons de mots.

Paul Sanson

A parody of  The Quiet World, by Jeffrey McDaniel.

Lost and lost in translation


On dit qu’on perd toujours en traduction, Ah bon ?
Prenons une phrase bien d’actualité.
Traduisons-la en anglais (avec google) et d’anglais en allemand (avec google), etc.
Faisons cela sept fois (car 7 porte bonheur) avec un retour au français.
Que pensez-vous qu’il advena ?
Hourra ! on respire, la cage enfin est ouverte !

Ouvrez, ouvrez, la cage aux oiseaux
Open, open, the bird cage
Öffnen Sie, öffnen Sie, der Vogelkäfig
Abierto, abierto, la jaula de pájaros
Apri, apri, la gabbia per uccelli
Öppen, öppen, fågelburet
オープン、オープン、鳥かご
فتح ، فتح ، قفص العصافير
Ouvert, ouvert, cage à oiseaux.

— Paul Sanson

Papuan Struggle


Through Third World eyes,
First World lies.
Tormented cries,
Humanity dies!

 Philip Wood