Nous marchons sur un chemin dans un petit vallon. Le lieu est totalement tranquille. Nul véhicule ne peut accéder. Les oiseaux ne chantent pas, nous sommes en hiver. Seul un pic vert essaie d'obtenir son repas en tambourinant sur un vieux tronc. Pourtant, nous sommes accompagnés tout au long de notre promenade par un chant joyeux, plein d'énergie, celui du petit ruisseau qui serpente au fond du val. Il nous rend joyeux et nous avons envie de rester là, loin des incohérences attristantes du monde actuel. Nous avons envie de rester là, dans ce paysage resté intact, beau, éternel, bienfaisant. |
Le Petit ruisseau
La bûche ma compagne
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Ce soir, je suis seule, pas vraiment, le feu de bois est là, si vivant. Il m'enveloppe de sa chaleur et je me sens bien. Je l'observe, les petites flammes courent sur la bûche. Il me transmet un peu de bonheur, celui de se sentir bien même si on est seule. — Liliane Faucher |
Autodafé à La Châtaigne
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La fête de La Châtaigne bat son plein dans le soleil doré d’une belle après-midi d’automne et les fanfaronnades farcies aux canards. On déguste le boudin aux pommes et le boudin à la châtaigne, le tout arrosé du cidre frais qui dégouline du grand broyeur de pommes trônant sur la place. L’exode rural a drainé la jeunesse du petit village de La Châtaigne (123 habitants) mais la mairie est revigorée par l’installation récente de « jeunes » ; des retraités cultureux de banlieue, nostalgiques de la ruralité, ouvertement en rupture avec les technologies prédatrices du moi intérieur… Elle a décidé de constituer la Commission Paritaire Participative Événementielle qui a proposé d’instituer une cérémonie intitulée « Autodafé à La Châtaigne ». Le terme « autodafé » a provoqué des débats longs, parfois aigres, en raison de ses connotations. La commission est arrivée à un consensus aux termes duquel a) aucun texte ne serait brûlé ; b) le broyeur de pommes serait l’instrument du supplice. En fin d’après-midi, les villageois sont invités à se rapprocher du grand broyeur de pommes et chacun y jette un objet symbolique de la vie dévoyée à la ville : une tablette chinoise ; un smartphone coréen, des lunettes 3D, un pass navigo… Pendant les activités scolaires, les enfants ont peint sur des ballons d’hélium des personnages de dessins animés et de jeux vidéo aux couleurs criardes : Spiderman, Pokémons, Homer Simpson… La fanfare joue de la musique branchée : Electro, Hip-hop, Rap, Dub, Grind… En raison du terme a), les partitions ne sont pas jetées dans le broyeur mais un enregistrement Ce n’est pas du jus de pomme qui dégouline dans le baquet de bois ; c’est de la grenaille électronique. Quand il sera rempli, il s’envolera emporté par les ballons jusqu’aux cieux, aux cris de « Vive la pomme ! Vive le boudin ! Vie à La Châtaigne ! ». — Paul Sanson |
Bon sang ne saurait mentir
Cliquer pour compter les doigts
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La victime était assise, adossée au pied de la statue, tuée net d’une balle en plein cœur, par le petit luger échappé de sa main. Un suicide selon toutes apparences ; alors pourquoi le jeune baron de la Rochemolle avait-il un doigt de pierre enfoncé dans la bouche ? – Je ne crois pas au hasard, dit Lucas qui croît au hasard, mais c’est facile à expliquer : la balle a traversé le baron et a heurté l’index droit de la statue qui s’est cassé puis est tombé pile dans sa bouche ouverte. – Une chance sur mille milliards ! répliqua Janvier qui a les pieds sur terre. Hubert, le majordome, m’a dit que la statue est celle de la baronne Héloïse de la Rochemolle, noblesse d’empire, troisième du nom. Elle fut célèbre, d’abord pour sa beauté callipyge, mais aussi pour une particularité physique rare : elle a six doigts à la main gauche et six doigts au pied droit ; c’est vrai, vous pouvez compter. Hubert m’a affirmé « cette tare se transmet par les mâles vers les femelles : toute fille née d'un baron de la Rochemolle a un gros cul, six doigts à la main gauche et six doigts au pied droit ». – Je ne crois pas aux coïncidences, dit Lucas qui croît aux coïncidences, mais Céleste, la vieille gouvernante qui a connu trois générations de Rochemolle, m’a dit que Diane, la sœur du baron, vient d’accoucher d’une fille. Elle s'appelle Esperanza car il parait que le vieux marquis Don Diego Marquez de Luna qu’ils ont marié à Diane pour pouvoir retaper le manoir « n’y arrivait plus ». Céleste a ajouté que Don Diego avait le visage noir de colère en sortant de la chambre de naissance car la petite a six doigts. – C’est impossible ! M’écriais-je, car bon sang ne saurait mentir. Si Hubert dit vrai, il y a une erreur, ou bien… Seigneur quel scandale ! Convoquez immédiatement une réunion de famille dans le grand salon. Mon sixième sens me dit que ce sixième doigt est la clé du mystère. — Paul Sanson |
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