La lessive

Quand chacun
Est décidé
À y mettre du sien
Il ne faut pas hésiter à laver
Son linge sale en famille
« La lessive, c'est un travail de fille »
Dit le garçon
Qui fait des bulles de savon
La fille trie les chaussettes
Et les serviettes
Qu'elle ne mélange pas avec les torchons
Car elle connaît le dicton
Le père conseille fort
À chacun de ménager ses efforts
Pour ne pas finir « lessivés »
La mère qui justement
À ce moment
Commence à fatiguer
Annonce qu'elle va mettre en route
La machine. Le garçon crie : « En avant, toute ! »
Mais où est passée la chatte ?
Demande la mère... Ah !, je vois une patte
Elle s'était cachée dans le tambour !
De bêtises, elle n'est jamais à court
Eh bien ! ma belle,
Tu l'as échappé belle !

— Gérard Miro

Le sac poubelle

Un sac poubelle
Sur un arbre perché
Sentinelle
Dans le ciel bleuté
C'est moins naturel qu'une hirondelle
Sa présence nous interpelle
C'est la faute au vent
Forcément
Disent les gens
En passant
Sans être devin
On peut avoir une idée du destin
De ce plastique abandonné
Les corbeaux viendront le picorer
Il va se fragmenter
Et s'éparpiller
A moins qu'il ne soit décroché
Par un employé de la municipalité
Pour être recyclé
Pourquoi ne pas croire aux contes de fées ?
Une éventualité
Qui permet à cette histoire
De nature abîmée
De se terminer sur une note d'espoir.

— Gérard Miro

Rue des Mésanges

Quelque part sur une île de la mer
Sainte-Marie, sous le ciel de craie
Forcément.

Dans la rue des Mésanges
Nichent de drôles d’oiseaux
Distraits.

Chaque jour, ils suivent les Mésanges
Et visitent la rue du Paradis
À l’angle.

Le panneau « Rue des Mésanges »
S’estompe tel la Peau de Chagrin
De Valentin.

Ce n’est que le Temps qui passe
Le temps des mésanges, envolé
Bientôt.

Oiseaux distraits, suivez les mésanges
Entrez dans la rue du Paradis
Avec les anges.

— Paul Sanson

Entangled life

Personne ne sait dire quand...
sont apparus les premiers lichens.
Qui de l'algue ou du champignon
a offert la première graine.

Cette symbiose d'extravertis,
assemblage de science-fiction,
explore les géométries
à la moindre provocation.

Comme eux, nous demeurons
indéfinissables anatomiquement.
Assistés par nos démons :
un bestiaire microscopique.

L'individu n'est qu'une collection
d'occurrences zoologiques
collaborant dans la compétition
en un orchestre héroïque.

Nous devrions semble-t-il sans peine
sentir ce qui nous lie aux lichens.

—  Eleonore Sur

Inspiré par Entangled life de Merlin Sheldrake : pages 70-93, The intimacy of strangers.

Les griffonnages de l'écolier

Charle (sic) a fait des dessins sur son livre de classe.
Le thème est fatigant au point, qu'étant très lasse
La plume de l'enfant n'a pu se reposer

Qu'en faisant ce travail énorme: improviser
Dans un livre, partout, en haut, en bas, des fresques
Comme on en voit aux murs des Alhambras moresques
Des taches d'encre, ayant des aspects d'animaux
Qui dévorent la phrase et qui rongent les mots
...

—  L'art d'être grand-père - 1877- Victor Hugo - extrait
Les griffonnages sont de l'écolier Gérard Miro en personne.

Ce qui sert à Rien

Au début, il y avait Rien.
Rien, au bord du néant d’ennui,
Se posa la question : « Pourquoi y a-t-il Rien ? »

Essayant de résoudre ce problème méta,
Rien expérimenta beaucoup, sans succès,
Et il en résulta un bazar pas possible : Le Monde.

Le monde actuel est donc un tentative ratée,
N’injurions pas l’avenir, disons « Non encore aboutie »
De répondre à une question méta sur Rien.

Si par malheur, Le Monde résolvait la question,
Il ne servirait plus à Rien.

— Paul Sanson